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avait-elle échoué? En tout cas, il ne devait pas avoir été découvert, puisqu on n entendait aucun bruit. Tout à coup, répercutée par l écho de la colline, une explosion sourde éclata dans le calme de la nuit, explosion immédiatement suivie d un assourdissant concert de 180 piétinements et de cris. Quelques instants plus tard, un homme, tout souillé d eau et de vase, arrivait en courant, repoussait Davis, se glissait près de lui au fond de la cachette, et faisait retomber le bloc qui en dissimulait l entrée. Presque aussitôt une troupe d hommes passa en criant. Les gros souliers frappant à grand bruit les rochers ne parvenaient pas à couvrir leurs voix. « Hardi! disait l un. Nous le tenons. Je l ai vu comme je te vois, disait un autre. Il est seul. Il n a pas cent mètres d avance. Ah! la canaille! Nous l aurons. » Le bruit décrut, s éteignit. « C est fait? demanda Davis à voix basse. Oui, dit Vasquez. Et vous pensez avoir réussi? Je l espère », répondit Vasquez. À l aube, un vacarme de marteaux fit disparaître toute incertitude. Puisque l on travaillait ainsi à bord de la goélette, c est qu elle avait des avaries, et que la tentative de Vasquez avait réussi. Mais, quelle était l importance de ces avaries, voilà ce que ni l un ni l autre ne pouvaient savoir. « Puissent-elles être assez graves pour les retenir un mois dans la baie! s écria Davis, oubliant que, dans ce cas, son compagnon et lui seraient morts de faim au fond de leur retraite. Silence! » murmura Vasquez, en lui saisissant la main. Une nouvelle troupe s approchait, silencieuse celle-ci. Peut-être la même revenant de sa chasse infructueuse. En tout 181 cas, les hommes qui la composaient ne prononçaient pas une parole. On ne percevait que le bruit des talons martelant le sol. Toute la matinée, Vasquez et Davis entendirent ainsi piétiner autour d eux. Des bandes passaient, lancées à la poursuite de l insaisissable assaillant. Cependant, à mesure que les heures s écoulèrent, cette poursuite parut se ralentir. Depuis longtemps déjà, rien n avait plus troublé le silence environnant, quand, vers midi, trois ou quatre hommes s arrêtèrent à deux pas du trou dans lequel Davis et Vasquez étaient blottis. « Décidément, il est introuvable! dit l un d eux, en s asseyant sur le roc même qui en obstruait l orifice. Mieux vaut y renoncer, affirma un autre. Les camarades sont déjà rentrés à bord. Et nous allons faire comme eux. D autant plus que, après tout, le gredin a manqué son coup. » Invisibles, Vasquez et Davis tressaillirent, et prêtèrent l oreille avec plus d attention encore. « Oui, approuva un quatrième interlocuteur. Voyez-vous ça, qu il voulait faire sauter le gouvernail! L âme et le coeur d un bâtiment, quoi! Une belle jambe, comme dit l autre, que ça nous aurait fait! Heureux que sa cartouche ait fusé à bâbord et à tribord. Le mal se réduit à un trou dans la voûte et à une ferrure arrachée. Quant à la mèche du gouvernail, c est à peine si le bois a été roussi. 182 Tout sera réparé aujourd hui, reprit le premier qui avait parlé. Et ce soir, avant le flot, vire au guindeau, les garçons! Après çà, que l autre crève de faim, si ça lui chante! Eh bien, Lopez! es-tu assez reposé? interrompit brutalement une voix rude. À quoi bon tant bavarder? Rentrons. Rentrons! » dirent les trois autres, en se remettant en marche. Dans la cachette où ils étaient terrés, Vasquez et Davis, écrasés par ce qu ils venaient d entendre, se regardaient en silence. Deux grosses larmes gonflèrent les yeux de Vasquez, glissèrent de ses cils, sans que le rude marin s inquiétât de cacher ce témoignage de son impuissant désespoir. Voilà donc à quel résultat dérisoire avait abouti son héroïque tentative. Douze heures de retard supplémentaire, à cela se réduisait le dommage subi par la bande de pirates. Le soir même, ses avaries réparées, la goélette s éloignerait sur la vaste mer et disparaîtrait à l horizon. Le bruit des marteaux qui montait du rivage prouvait que Kongre faisait travailler avec ardeur à remettre le Carcante en état. Vers cinq heures un quart, au grand désespoir de Vasquez et de Davis, ce bruit cessa brusquement. Ils comprirent que le dernier coup de marteau avait achevé le travail. Quelques minutes plus tard, le grincement de la chaîne raclant l écubier confirma cette hypothèse. Kongre mettait l ancre à pic. L instant de l appareillage approchait. Vasquez n y put tenir. Faisant pivoter le rocher, il risqua prudemment un regard au dehors. 183 Vers l ouest, le soleil déclinant atteignait le sommet des montagnes qui limitaient la vue de ce côté. À cette date, proche de l équinoxe d automne, une heure ne s écoulerait pas avant qu il fût couché. À l opposé, la goélette était toujours à l ancre au fond de la crique. Il n existait aucune trace visible de ses récentes avaries. Tout paraissait en règle à bord. La chaîne, verticale comme l avait supposé Vasquez, montrait qu un dernier effort suffirait à faire déraper l ancre au moment voulu. Celui-ci, oubliant toute prudence, avait sorti la moitié du corps hors du trou. Davis, derrière lui, se pressait contre son épaule. Tous deux, haletants, regardaient. La plupart des pirates avaient déjà regagné le bord. Quelques-uns, cependant étaient encore à terre. Parmi ceux- ci, Vasquez reconnut parfaitement Kongre, qui, dans l enceinte du phare, faisait les cent pas avec Carcante. Cinq minutes plus tard, ils se séparèrent, et Carcante se dirigea vers la porte de l annexe. « Prenons garde, dit Vasquez à voix basse. Il va sans doute monter au phare. » Tous deux se laissèrent glisser au fond de leur cachette. En effet, Carcante faisait une dernière fois l ascension du phare. La goélette allait partir dans un instant. Il voulait encore observer l horizon, et voir si quelque bâtiment ne [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ] |